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pouvante, s’agitant dans une effroyable mêlée, les bourreaux confondus avec les victimes. Les boyards, sans méfiance et désarmés, surpris lâchement par derrière, tombaient, la plupart, sans pouvoir se défendre. Les plus âgés mouraient en faisant le signe de la croix ; mais les plus jeunes vendaient chèrement leur vie. Les chaises, les plats, les assiettes, les pots qui garnissaient la table, tout devenait une arme dans leurs mains. Les uns, quoique grièvement blessés, se cramponnaient avec fureur à la gorge des assassins, et, oublieux de leurs blessures, les serraient jusqu’à les étouffer. Si quelqu’un d’entre eux parvenait à mettre la main sur un sabre, oh ! alors il vendait cher sa vie ! Plusieurs soldats périrent ; mais, en définitive, pas un boyard ne resta vivant. Quarante-sept cadavres gisaient par terre. Au milieu de la confusion de cette lutte, la table avait été renversée, les pots étaient brisés ; le vin, mêlé au sang, formait une mare sur le pavé. En même temps que ce massacre avait lieu dans la salle du haut, un autre massacre encore plus horrible venait de commencer dans la cour. Les domestiques des boyards se voyant inopinément attaqués par les soldats, prirent la fuite. Le peu qui parvinrent à s’échapper en s’élançant par dessus les murs, allèrent donner l’alarme dans les maisons des boyards, et, se renforçant au moyen des autres domestiques qui étaient restés au logis, ils tâchèrent de soulever le peuple. Une masse considérable se porta devant le palais, dont elle se mit à battre les portes à coup de hache. Les soldats, troublés par le vin, résistaient faiblement ; la foule, grossissant de moment en moment, devenait plus furieuse.

Le bruit de l’émeute parvint jusqu’à Lapuchneano,