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« Pardonnez-moi, dit-il, braves gens, et vous, boyards, aussi !

— Dieu vous pardonne, Monseigneur, » cria la foule, à l’exception de deux jeunes boyards, qui, plongés dans la méditation, se tenaient à la porte de l’église appuyés contre une tombe. Personne n’avait fait attention à eux.

Lapuchneano sortit de l’église après avoir renouvelé aux boyards son invitation pour le banquet ; il monta sur son cheval et s’en retourna au palais. La foule ainsi que les boyards se dispersèrent.

« Eh bien ! dit l’un des jeunes boyards qui s’étaient abstenus de mêler leur pardon à celui des assistants dans l’église, que dis-tu de tout cela ?

— Je dis que tu feras sagement de ne pas paraître tantôt à la table du prince, répondit l’autre. » À ces mots, ils se mêlèrent dans la foule. Ces boyards étaient Spanciok et Stroïtsch.

À la cour, on avait fait de grands préparatifs pour le banquet. Le bruit s’était aussitôt répandu que le prince s’était réconcilié avec les boyards. Ceux-ci paraissaient ravis d’un changement qui, en calmant leurs appréhensions personnelles, ouvrait devant leurs yeux une nouvelle perspective de richesses et d’honneurs. Quant au peuple, il se montrait indifférent à cette réconciliation dont il n’attendait aucun bien pour lui-même pas plus qu’il n’en appréhendait de suites fâcheuses. Les plaintes qu’il eût été en droit de faire entendre s’adressaient moins à la personne du prince Alexandre qu’à celle de son ministre, le vornic Motzok, qui n’usait de son crédit que pour opprimer les citoyens. Les abus qu’il faisait de son autorité avaient excité plus d’une fois les