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raudes, s’inclinait gracieusement sur sa tête. Ses cheveux ondoyants flottaient épars sur ses épaules, selon la mode du temps. Sa figure, douée de cette beauté remarquable qui faisait jadis la renommée des femmes roumaines et qui est devenue plus rare de nos jours, par suite de mélange avec les nations étrangères, était remplie de distinction. Cependant elle paraissait triste et abattue, semblable à la fleur fragile qu’aucune ombre n’abrite contre les rayons brûlants du soleil. Jeune encore, elle avait perdu ses parents et avait eu la douleur de voir l’un de ses frères abjurer sa religion et l’autre périr sous les coups d’assassins. Destinée d’abord par la volonté du peuple à devenir la femme de Yolde, elle avait été à la fin contrainte, par ce même peuple qui disposait tyranniquement de son cœur, de donner sa main à Alexandre Lapuchneano, pour lequel elle n’éprouvait d’autre sentiment que celui de la déférence respectueuse et de l’obéissance que toute femme doit à son mari. Son âme aimante n’eût pas demandé mieux que de s’ouvrir à un sentiment plus doux ; mais quelle affection pouvait-elle ressentir pour cet homme en qui elle ne trouvait pas un seul sentiment humain !

En s’approchant de lui, elle s’inclina et lui baisa respectueusement la main. Lapuchneano, lui prenant la taille et la soulevant comme une plume, la posa sur ses genoux.

« Qu’y a-t-il, ma belle princesse ? lui demanda-t-il en déposant un baiser sur son front. Ce n’est pas aujourd’hui jour de fête ; quelle est donc la cause qui vous a fait quitter vos fuseaux ? Qui vous a réveillée si matin ?

— Les larmes versées à ma porte par les veuves qui crient vengeance à Notre-Seigneur Jésus et à la très-