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dèrent sa perte. Les violences et la dissolution du prince hâtèrent l’exécution du complot. « Aucune dame, dit le chroniqueur dans sa naïveté, ne pouvait demeurer, pour peu qu’elle fût jolie, à cause de ses obsessions. » Un jour, pendant qu’il se trouvait à Tzoutzora, les boyards de sa suite, sans attendre l’arrivée des boyards émigrés, dans la crainte de le laisser échapper, coupèrent les cordes de sa tente, et, fondant sur lui, ils l’étouffèrent.

Roxandre se trouva ainsi le seul rejeton de la famille de Rareche. Les meurtriers de son frère résolurent de la marier à un certain boyard nommé Yolde, qu’ils avaient élu prince. Mais Lapuchneano, élu en même temps par les boyards émigrés, marcha à la rencontre de Yolde, le vainquit, le fit prisonnier et l’envoya dans un monastère après lui avoir fait couper le nez. Pour se concilier l’affection du peuple, dans le cœur duquel vivait encore la mémoire de Rareche, il épousa sa fille. C’est ainsi que la gracieuse Roxandre devint le partage du vainqueur.

Lorsqu’elle entra dans la salle, elle était vêtue avec toute la magnificence qui convient à une femme, épouse, fille et sœur de princes.

Par dessus sa robe d’une étoffe brochée d’or, elle portait un beniche[1] en velours bleu, doublé de zibeline, à longues et larges manches qui pendaient par derrière. Une ceinture d’or à agrafes d’améthyste, entourées de pierres précieuses, serrait sa taille délicate. Un petit chlik[2], également en zibeline, surmonté d’une aigrette blanche et soutenu par une large fleur d’éme-

  1. Beniche, espèce de pardessus à longues manches.
  2. Chlik, espèce de toque de forme ronde sans bords.