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milieu des grands événements qui s’accomplissent sous nos yeux, il est bien permis à la politique de s’égarer quelquefois. Mais, nonobstant les opinions adverses, aujourd’hui le temps de la délivrance et de l’émancipation approche. Le canon

    semble inopportune. Et en effet, ce n’est pas sans hésitation que je me suis décidé à l’offrir au public. Je me demandais si je ne commettais pas un sacrilége en parlant vers et littérature dans un moment où les hordes moscovites s’apprêtaient à fouler le sol de ma patrie. En lisant dernièrement dans votre journal la nouvelle de la note officielle par laquelle S. M. moscovite signifiait aux puissances européennes qu’elle veut occuper les Principautés danubiennes, le désespoir s’est emparé de mon âme, et je me suis écrié avec plus de raison que jadis l’ancien général de l’armée de l’Orient : Galiléen, tu as vaincu ! Car, cette fois-ci, l’occupation pourrait bien être la conquête définitive de mon pays ; et appartenir à la Russie serait l’anéantissement de ce brave et doux peuple de famille latine, que l’Europe latine laisse en proie à un peuple barbare. Je crois inutile à vous, Monsieur, qui connaissez si bien la question de multiplier mes preuves ; un seul exemple suffit : — La Bessarabie appartient à la Russie depuis 1812. Je vous le demande, qu’est-il resté des institutions roumanes dans ce pays ? Quel est le progrès qu’il a fait dans la large voie de la civilisation ? En conscience, disons tout : cette Russie elle-même, qui, depuis plus d’un siècle jouit en Europe du droit de souveraineté ; cette puissance colossale, qui a une population de 60 millions de dénationalisés, qu’est-elle elle-même pour vouloir imposer sa civilisation en Orient ? Cette agglomération de 60 millions d’hommes, fiers de leur barbarie, n’a-t-elle pas, au contraire, en horreur tout progrès, et la civilisation de l’Europe occidentale n’est-elle pas son plus insupportable cauchemar ? J’en appelle au témoignage de M. de Custine, et surtout de M. Saint-Marc Girardin lui-même.

    Pour en revenir à la destinée de mon livre, je me suis décidé à le présenter au public précisément par la raison que, si mon pays ne