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contre, son maître m’en fera cadeau, ou bien il me le cédera au prix de trois fois son poids d’or, payé en ducats vénitiens de la valeur de cinq piastres le ducat. »

Groué répond en souriant : « Pauvre vieux Ghiraï, tu oublies que je suis fils de Roumain. Or, étant fils de Roumain, ne sais-tu pas que ton cheval intrépide et vigoureux est mon propre frère ?

« Cependant si tu possèdes de rapides coursiers et des Tatares courageux, des coursiers qui puissent et des Tatares qui osent me poursuivre, donne-leur l’ordre de se lancer après moi et de chercher à m’atteindre le long de cette vaste plaine. »

Le vieux khan fait un signe ; soudain les Tatares s’élancent sur le steppe couvert d’herbes sauvages et d’ivraie ; ils courent et s’alignent bientôt les uns derrière les autres à la suite du cheval noir, du cheval noir endiablé. Mais aucun ne peut l’atteindre. Il ne court pas comme court un cheval ; il s’élance par bonds comme un lièvre en dévorant l’espace, et hennit fièrement.

Malheur à vous, pauvres païens ! vous ne verrez plus le soleil de demain ! Groué a fait volte-face, et se précipite comme un ouragan dans un champ de blé ; il atteint les Tatares l’un après l’autre et les moissonne avec son glaive ainsi que des gerbes d’épis.

Après cet exploit, Groué quitte le Boudjiak et reparaît en Moldavie, pareil au soleil qui répand à la fois la lumière et la chaleur, car il fit beaucoup de bien en ce monde afin de racheter son âme.

Il baptisait les enfants pour en faire des chrétiens et donnait à chacun de ses filleuls un poulain de trois