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de Tatares. Qu’il y ait ou qu’il n’y ait plus de pardon pour moi, n’importe, je dirai la vérité, écoute :

« Du jour ou j’ai pénétré au sein du Boudjiak, j’ai tué, pardieu ! bien des Tatares ; j’ai condamné au triste veuvage bien des femmes ; j’ai fait vieillir bien des jeunes filles ; j’ai enlevé au Boudjiak tous ses meilleurs chevaux 33 et j’ai changé en désert la moitié de ce pays ainsi que le tiers de la Crimée.

« En traversant le Pruth pour venir ici, j’y ai construit un large et beau pont afin de pouvoir transporter vos richesses dans mon pays avec de grands chariots chargés de jeunes filles tatares réduites en esclavage.

« Holà hé ! vieux khan, laisse ton kangiar à ta ceinture, et puisqu’il faut que je meure, accorde-moi de mourir dignement comme un Roumain et non comme un païen. Permets-moi de confesser mes péchés et de pourvoir au salut de mon âme avec l’assistance d’un prêtre chrétien, du vieux moine qui chante des psaumes là-bas dans ce grand monastère.

« Hélas ! je suis bien criminel ! bien chargé de péchés ! car j’ai séduit ta propre sœur, et j’ai tué ta mère, et j’ai massacré ton jeune frère, et j’ai brûlé vif ton vieux père ! »

À ces mots le khan Ghiraï oublie son kangiar, et d’une voix altérée il ordonne à quelques-uns de ses mirzas de prendre une escorte de cinquante Tatares et de conduire Groué au monastère.

Les Tatares partent soudain, et conduisent le prisonnier auprès du prêtre chrétien, un véritable saint sous les traits d’un homme, qui chante des psaumes nuit et jour dans l’intérieur du monastère.

Voyant cela, Groué, sans perdre de temps, se signe