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— Quoi que tu fasses, quoi que tu deviennes, je ne te laisserai pas vivre en paix, car moi-même je me transformerai en une petite pelle, et dussé-je me consumer dans le feu, j’irai te découvrir sous la cendre pour te préserver de l’atteinte des flammes ; puis je te rafraîchirai de mon haleine et te couvrirai de baisers ; en sorte que tu ne pourras plus te défendre d’être ma maîtresse, tourterelle chérie.

— Pour vous je ne dirais pas non, mais je dis non pour votre mère qui est méchante et sorcière ; elle me reprocherait sans cesse de trop vous aimer et me jetterait un mauvais sort pour que je ne puisse plus vous caresser. Or, plutôt que d’être en butte aux reproches, plutôt que d’être ensorcelée, je préférerais me changer en un roseau flexible et me cacher au sein de l’étang afin d’échapper à ta poursuite.

— Quoi que tu fasses, quoi que tu deviennes, tu ne m’échapperas pas, car moi-même je me déguiserai en berger, joueur de doïnas, et j’irai chercher dans l’étang un roseau élancé pour m’en faire une flûte. Je te verrai alors, je couperai ta tige et mes lèvres te couvriront de baisers. En sorte que tu ne pourras plus te défendre d’être ma maîtresse jusqu’à dimanche, tourterelle chérie.

— Non, je ne veux pas t’écouter, cher et gracieux coucou au plumage gris. Je sais combien il me serait doux d’être avec toi. Mais, hélas ! ta mère est si méchante ! Or, plutôt que de me trouver avec elle, je me transformerai en une petite image sainte et me cacherai au fond de l’Église pour penser toujours à toi.

— Quoi que tu fasses, quoi que tu deviennes, je ne t’y laisserai pas en repos, car de mon côté je me déguiserai