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Ici près, au ruisseau de la vallée deux jeunes filles lavent du blé ; Boujor les prend par la ceinture.

Là-bas, au puits de la vallée, deux jeunes filles blanchissent de la laine ; Boujor leur presse les mains amoureusement.

Plus loin, dans le val de Ferinté deux jeunes filles cueillent des lentilles ; Boujor leur fait perdre la raison.




Feuille verte d’ivraie !

À Fokchani 21, sur la frontière, il est une vieille hutte entourée d’arbres. Là s’est retiré Boujor, auprès d’Anitza, la cabaretière, qui lui sert du vin dans une vedritza 22 et qui l’enivre encore plus par ses baisers.

— Anitzika, ma bien-aimée, j’ai grand désir de certaine fleur, de certaine fleur rose que tu portes toujours sur ta bouche.

— Mon Étienne, mon beau Boujor, je te donne volontiers la fleur que tu désires ; tiens, voici mes lèvres, couvre-les d’autant de baisers qu’il te plaira, mais quant à boire, ne bois plus, car la potira 23 est dans les environs.

— Laisse-la venir ! Que m’importe la potira ! Mes armes ne sont-elles pas là, devant moi, sur la table ? ma maîtresse n’était-elle pas jeune et jolie ?… »

Hélas ! il n’acheva pas son doux baiser ! la potira parut soudain et malgré sa lutte héroïque, Boujor ne put lui échapper.