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sur un cheval noir de Dobrodja 11 ; il s’arrête près du puits de la Colombe ; le dragon à sa vue rugit de colère :

« Vaillant Ortoman, dit-il, frappe ton cheval noir ; frappe-le tout le long de son corps pour le forcer à fuir… et va-t-en ; dérobe-toi à ma vue si tu ne veux être dévoré à ton tour.

— Petit serpent aux dents d’acier, petit dragon, n’avale pas mon pauvre frère ou je sépare ton corps en deux.

— Que tu me coupes en deux ou non, je ne veux point lâcher ma proie. Cet enfant m’appartient depuis qu’il est venu au monde. Sa propre mère me l’a voué dès sa plus tendre enfance, car elle lui disait toujours en le berçant pour l’endormir :

Couche-toi, endors-toi…
Le dragon doit t’avaler 12

« Le brave Ortoman tira son paloche 13, lança son cheval noir de Dobrodja et fendit le dragon ; puis il arracha de ses entrailles le corps du pauvre adolescent, le mit sur ses épaules, le porta dans une bergerie et lui fit prendre des bains de lait pur. C’est ainsi qu’il le délivra du poison venimeux et le rendit à la vie.

Plus tard les deux braves devinrent frères en croix 14, et tant qu’ils vécurent ils firent ensemble de grands exploits ; ensemble ils exterminèrent tous les dragons de la contrée.