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essayant de réagir contre le long asservissement où les Phanariotes l’avaient tenu ; peuple et lettrés se rencontraient dans une commune aversion contre les oppresseurs du pays, et tandis que quelque barde inconnu introduisait cette terrible variante dans la ballade de Codréan, un des poëtes de la pléïade, Mamuleni[1], leur jetait à la face cet éloquent anathème :


Que le monde pour eux soit un désert, un vide !
Que partout sous leurs pas des piéges soient tendus !
Et toujours dispersés, sans compagnon, sans guide,
    Que tous mes maux leur soient rendus !
Qu’ils ne puissent jamais ni se voir, ni s’entendre !
    Que pour vivre ils tendent la main,
    Ou qu’ils soient réduits à se vendre
Pour une goutte d’eau, pour un morceau de pain !


La réforme de l’enseignement suivit celle de la poésie. En 1816, au moment même de la formation de l’Hétairie, un Roumain transylvain (la Transylvanie, malgré son incorporation à l’Autriche, avait conservé presque intact le dépôt de la langue et de la tradition), Georges Lazar, arriva à Bucarest, et ouvrit, dans les ruines du couvent de Saint-Sava, un cours public de mathématiques et de philosophie dans la langue nationale. Dans l’espace de six années, il parvint à former une vingtaine de disciples, qui se répandirent après sa mort[2] en Va-

  1. Mamuleni, Les plaintes de la Roumanie (traduit par M. Vaillant).
  2. Georges Lazar mourut en 1822.