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liens ; mais à peine libre, le chef des bergers ôta de son sein un boutchoum 63 doré, et en tira des sons si touchants que les vallées en retentirent, les feuilles en frissonnèrent, les flots du Danube en bouillonnèrent et les poissons parurent à la surface.

La jeune Chalga entendit ces notes plaintives à travers son sommeil et se leva aussitôt pour aller dire à sa belle-mère :


« Ma mère bien-aimée, n’as-tu pas entendu la voix du boutchoum retentir dans les vallées lointaines ? Je ne sais, ma mère, si les bergers ont égaré leurs troupeaux, ou s’ils ont perdu leur route dans l’obscurité de la nuit, ou bien s’ils sont attaqués par les Heuduques ? »


La vieille grand’mère lui répondit : « Va dormir tranquille, ma chère enfant, et ne t’inquiète pas des bergers, car c’est leur habitude de sonner du boutchoum quand ils sont pris du désir de revoir leurs maisons.

Mais elle n’avait pas achevé que Chalga entendit de nouveau la voix du boutchoum retentissant avec force et pénétrant jusqu’au fond de l’âme.


« Holà, les enfants ! holà, les serviteurs ! alerte, cria-t-elle, arrachez-vous aux douceurs du sommeil et me préparez vite un cheval ; mettez-lui une selle d’homme, car je veux le monter en brave. »


Elle dit, sauta à cheval et se dirigea rapidement vers le Danube ; sa bouche jetait de longs cris de guerre et sa main brandissait un bousdougan 64 formidable.

Les Heuduques l’entendirent venir de loin et prirent