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» Et toi, n’as-tu pas vu s’en aller tes deux frères,
Pour servir, disait-on, la France et l’empereur ?
Ils ont péri, ma fille, aux rives étrangères,
Loin de leur mère et de leur sœur.


» Nul ne t’a visitée en ton angoisse extrême,
Nul ne t’a dit : « Reçois mon amour et ma foi ; »
Pas une seule voix ne t’a dit : « Je vous aime, »
Pas un cœur n’a battu pour toi.


» Et jamais une vie à la tienne enchaînée
Ne viendra près de toi porter le poids du jour,
Et sur son horizon jamais ta destinée,
N’aura d’espérance ou d’amour.


» Hors peut-être l’amour de l’homme de taverne :
« Enfant, te dira-t-il, suis mes pas et mes vœux, »
Et, revenant, le soir, en ivresse et l’œil terne,
Il te battra d’un bras nerveux.


» Ah ! non, ce n’est pas lui que rêvait ta tendresse,
Lui qui devait orner ton noir chemin de fleurs,
Lui qui devait river sa peine à ta détresse,
Mêler ses pleurs à tous tes pleurs.


» Tu ne le verras point cet appui de ton âme,
L’isolement sera ton partage à jamais,
Car tu ne peux donner, comme une riche femme,
Des lits de cèdre et des palais.


» Seule éternellement dans une nuit obscure,
Sans soleil, sans amis, sur ton sombre chemin !
Hélas ! pour tes vingt ans que cette vie est dure !
Et voilà tout ton lendemain !