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étouffante de l’air, marchait péniblement, levant de temps à autre vers le ciel son visage défait, comme pour chercher une respiration plus libre.

Renzo, lorsqu’il fut devant la cabane, s’arrêta, se retourna et dit d’une voix tremblante : « Elle est ici. »

Ils entrent… « Les voilà ! » s’écrie la femme qui était au lit. Lucia se tourne, se lève précipitamment, va au-devant du vieillard, en s’écriant aussi : « Oh ! qui vois-je ? Oh ! père Cristoforo !

— Eh bien, Lucia ! de quelles peines le Seigneur vous a délivrée ! Vous devez être bien contente d’avoir toujours espéré en lui.

— Oh, oui ! Mais vous, père ? Mon Dieu, comme vous êtes changé ! Comment vous portez-vous ? dites ; comment vous portez-vous ?

— Comme il plaît à Dieu, et comme, par sa grâce, je le trouve bon moi-même, » répondit d’un air serein le bon religieux. Et, la prenant à part dans un coin, il ajouta : « Écoutez, je ne puis rester ici que peu de moments. Êtes-vous disposée à me donner, comme autrefois, votre confiance ?

— Oh ! n’êtes-vous pas toujours mon père ?

— Eh bien donc, ma fille, qu’est-ce que c’est que ce vœu dont m’a parlé Renzo ?

— C’est un vœu que j’ai fait à la sainte Vierge… oh ! dans la plus grande des tribulations !… le vœu de ne pas me marier.

— Pauvre enfant ! Mais avez-vous pensé, dans ce moment-là, que vous étiez liée par une autre promesse ?

— Comme il s’agissait du Seigneur et de la sainte Vierge… je n’y ai pas pensé.

— Le Seigneur, ma fille, agrée les sacrifices, les offrandes, lorsque nous les faisons sur ce qui nous appartient. C’est le cœur qu’il veut, et la volonté ; mais vous ne pouviez lui offrir la volonté d’un autre envers qui vous étiez déjà engagée.

— Ai-je mal fait ?

— Non, ma pauvre enfant, n’ayez pas cette idée ; je crois même que la Vierge divine aura agréé l’intention de votre cœur affligé et l’aura offerte à Dieu pour vous. Mais, dites-moi : n’avez-vous jamais pris conseil de personne à ce sujet ?

— Je ne pensais pas que ce fût une faute dont je dusse me confesser ; et l’on sait qu’il ne faut pas conter le peu de bien qu’on peut faire.

— N’avez-vous aucun autre motif qui vous empêche de tenir la promesse que vous aviez faite à Renzo ?…

— Quant à cela… pour moi… quel motif ?… Je ne pourrais dire… répondit Lucia avec une hésitation qui montrait tout autre chose que de l’incertitude dans sa pensée ; et son visage, encore décoloré par la maladie, se couvrit tout à coup de la plus vive rougeur.

— Croyez-vous, reprit le vieillard en baissant les yeux, que Dieu a donné à son Église le pouvoir de remettre et de retenir, selon le plus grand bien qui en