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pidité ; plus tard on rêva, on regarda comme véritable je ne sais quelle volupté satanique attachée aux onctions ; on crut à un attrait qui leur était propre et qui dominait les volontés. Les paroles par lesquelles des malades en délire s’accusaient eux-mêmes de ce qu’ils avaient redouté de la part des autres, semblaient des révélations et rendaient croyable, pour ainsi dire, tout ce qui pouvait être attribué à quelque personne que ce fût. L’impression dut être encore plus profonde, s’il est vrai que l’on vit des pestiférés, également dans les accès de leur délire, faire les mêmes choses qu’ils s’étaient figuré devoir être faites par les untori, circonstance en effet très-probable et qui expliquerait mieux que tout autre raisonnement la conviction du public et l’affirmation de plusieurs écrivains sur ce chapitre des onctions. C’est ainsi que, pendant la longue et triste période des procès pour fait de sorcellerie, les aveux de quelques prévenus, aveux qui ne furent pas toujours extorqués, ne servirent pas médiocrement à produire et à soutenir l’opinion qui régnait sur la sorcellerie même ; car, lorsqu’une opinion règne pendant longtemps et dans une grande partie du monde, elle finit par s’exprimer de toutes les manières, par tenter toutes les voies, par aborder et parcourir tous les degrés de la persuasion, et il est difficile que tous les esprits ou le plus grand nombre croient longuement qu’une chose extraordinaire se fait sans qu’il ne survienne quelqu’un qui croie la faire lui-même.

Parmi les histoires auxquelles cette folie des onctions donna naissance, il en est une qui mérite d’être rapportée, par le crédit qu’elle obtint et le chemin qu’on lui vit faire. On racontait, non partout de la même manière (ce serait un privilège trop particulier dont les fables seraient en possession), mais avec des versions qui se rapprochaient assez entre elles, on racontait que tel individu avait