Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/485

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par l’évidence sont toujours curieux à connaître) on disait dans le peuple et même parmi plusieurs médecins animés de l’esprit de parti, que ce n’était pas une véritable peste, puisque, si ce l’était, tous seraient morts[1]. » Pour détruire tous les doutes, le tribunal de santé imagina un expédient proportionné à la nécessité qui le faisait mettre en œuvre, un moyen de parler aux yeux tel que l’époque pouvait l’exiger ou en donner l’idée. Les habitants étaient dans l’usage, à l’une des fêtes de la Pentecôte, de se rendre au cimetière de San-Gregorio, hors la porte Orientale, dans le but de prier pour les victimes de la peste antérieure, dont les corps y avaient été ensevelis ; et, faisant d’un acte de dévotion une occasion de divertissement et de spectacle, chacun y allait dans le plus grand étalage possible d’équipages et de parure. Entre autres personnes mortes ce jour-là de la peste, se trouvait une famille tout entière. À l’heure où le concours de monde était le plus grand, parmi la foule des carrosses, des hommes à cheval, des promeneurs à pied, parurent sur un chariot les cadavres de cette

  1. Taddino, p. 93.