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capitaine[1] et en portait le nom, et qui avait déjà fait la guerre en Flandre, désireux outre mesure de diriger les opérations d’une guerre en Italie, était peut-être celui qui poussait le plus à la faire entreprendre ; et en attendant, interprétant les intentions et devançant les ordres de son gouvernement, il avait conclu avec le duc de Savoie un traité d’invasion et de partage du Montferrat, traité dont il avait ensuite facilement obtenu la ratification du comte-duc, en lui présentant comme fort aisée l’acquisition de Casal, qui était le point le mieux défendu de la portion assignée au roi d’Espagne dans ce partage. Il protestait néanmoins, au nom de son souverain, ne vouloir occuper le pays qu’à titre de dépôt, jusqu’au jugement que devait rendre l’empereur ; et ce prince, tant par les suggestions du dehors que par des motifs qui lui étaient propres, avait refusé l’investiture au nouveau duc, en lui enjoignant de remettre en séquestre entre ses mains les États qui faisaient le sujet du litige et qu’il remettrait lui-même à qui de droit, après avoir entendu les parties, injonction à laquelle le duc de Nevers avait refusé d’obtempérer.

Celui-ci avait de son côté des amis puissants, le cardinal de Richelieu, le sénat de Venise et le pape, qui était, comme nous l’avons dit, Urbain VIII. Mais le premier, alors occupé du siège de la Rochelle et engagé dans une guerre avec l’Angleterre, traversé d’ailleurs dans ses vues par le parti de la reine-mère, Marie de Médicis, qui, par certaines raisons à elle particulières, était contraire à la maison de Nevers, ne pouvait donner que des espérances. Les Vénitiens ne voulaient faire aucun mouvement ni même se déclarer, tant qu’une armée française ne serait pas descendue en Italie ; et tout en aidant sous main le duc autant que cela leur était possible, ils se tenaient, avec la cour de Madrid et le gouverneur de Milan, sur la ligne des protestations, des propositions, des exhortations menaçantes ou pacifiques selon les circonstances. Le pape recommandait le duc de Nevers aux amis de ce prince, intercédait en sa faveur auprès de ses adversaires, faisait des projets d’accommodement ; mais, pour ce qui était de mettre une armée en campagne, il ne voulait pas en entendre parler.

Ainsi les deux alliés pour l’offensive purent avec d’autant plus d’avantage commencer l’entreprise qu’ils avaient concertée. Le duc de Savoie était entré dans le Montferrat ; don Gonzalo s’était empressé de mettre le siège devant Casal, mais il n’y trouvait pas toute la satisfaction qu’il s’était promise ; car il ne faut pas croire que dans la guerre tout ne soit que roses. La cour ne l’aidait pas selon ses désirs, ou même le laissait manquer des moyens de succès les plus nécessaires ; l’allié avec lequel il opérait ne l’aidait que trop, c’est-à-dire qu’après avoir pris sa portion, il allait empiétant sur celle du roi d’Espagne. Don Gonzalo en enrageait plus qu’on ne peut dire ; mais craignant, pour peu qu’il fît de bruit, que Charles-Emmanuel, aussi actif en manœuvres secrètes et changeant dans ses alliances que vaillant à la tête d’une armée, ne se tournât vers la France, il était obligé de fermer les yeux, d’avaler le désagrément et de se taire. Son affaire du siège allait mal, traînait en longueur, reculait quelquefois au lieu

  1. Gonsalve de Cordoue, surnommé le grand capitaine. (N. du T.)