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CHAPITRE PREMIER.


Ce bras du lac de Como qui se dirige vers le midi entre deux chaînes non interrompues de montagnes, en formant autant de petits golfes et de petites baies que ces montagnes forment elles-mêmes de sinuosités, se resserre comme tout à coup et prend le cours et l’apparence d’un fleuve, entre un promontoire à droite et une large côte à l’autre bord. Le pont qui dans ce lieu réunit les deux rives semble rendre plus sensible à l’œil cette transformation et marquer le point où le lac cesse et l’Adda recommence, pour reprendre ensuite le nom de lac là où les rives, s’éloignant de nouveau, laissent l’eau s’étendre et son cours se ralentir dans de nouveaux golfes et de nouvelles baies. La côte, formée du dépôt de trois forts torrents, vient en pente, s’appuyant dans sa partie supérieure au pied de deux monts contigus, dont l’un porte le nom de San-Martino et l’autre s’appelle, en dialecte lombard, Il Resegone[1], à cause de ses nombreuses dentelures qui le font en effet ressembler à une scie, de sorte qu’il n’est personne qui, le voyant de face, comme par exemple des murs de Milan tournés vers le nord, ne le distingue aussitôt, à ce seul indice, dans la longue et vaste chaîne de montagnes d’un nom moins connu et d’une forme plus ordinaire, parmi lesquelles il se montre. Assez longtemps la côte s’élève sur une pente douce et continue ; puis elle se rompt en coteaux et en petites vallées,

  1. La grosse scie.