— Non pas, certes.
— Vous verrez, vous verrez.
— Je comprends fort bien ; le roi sera toujours le roi ; mais qui aura eu des coups les gardera ; et il est tout simple qu’un pauvre père de famille n’ait pas envie d’être payé en cette monnaie. Vos Seigneuries ont la force ; c’est elles que la chose regarde.
— Avez-vous encore beaucoup de monde chez vous ?
— C’est tout plein.
— Et votre chaland, que fait-il ? continue-t-il à clabauder, à exciter les autres, à préparer du trouble pour demain ?
— Cet étranger, veut dire Votre Seigneurie : il est allé se coucher.
— Vous avez donc beaucoup de monde… Allons, prenez garde de le laisser échapper.
— Faut-il que je fasse le sbire ? pensa l’hôte ; mais il ne dit ni oui ni non.
— Retournez chez vous, et soyez prudent, reprit le notaire.
— Prudent, je l’ai toujours été. Votre Seigneurie peut dire si j’ai jamais donné de l’occupation à la justice.
— Et ne croyez pas que la justice ait perdu sa force.
— Moi ? Eh ! bon Dieu ! je ne crois rien. Je suis à mon métier d’aubergiste.
— La chanson ordinaire ; vous n’avez jamais rien autre à dire.
— Qu’ai-je à dire autre chose ? La vérité est une.
— C’est bon ; pour le moment, nous retenons ce que vous avez déposé. Si plus tard il y a lieu, vous fournirez plus en détail, à la justice, les renseignements qui pourront vous être demandés.
— Quels renseignements puis-je avoir à fournir ? Je ne sais rien ; à peine ai-je assez de tête pour veiller à mes affaires.
— Prenez garde de le laisser partir.
— J’espère que l’illustrissime seigneur capitaine saura que je suis venu, sans tarder, remplir mon devoir. Je baise les mains à Votre Seigneurie. »
Au point du jour, Renzo ronflait depuis environ sept heures, et le pauvre garçon était encore comme dans son premier sommeil, lorsque deux fortes secousses données à ses bras et une voix qui, du pied du lit, criait : « Lorenzo Tramaglino ! » interrompirent son repos. Il fit un mouvement, retira ses bras,