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CHAPITRE XV.


L’hôte, voyant que le jeu durait trop longtemps, s’était approché de Renzo ; et priant les autres avec bonne grâce de le laisser tranquille, il le secouait par un bras et tâchait de l’engager à s’aller coucher. Mais Renzo en revenait toujours au nom, au prénom, aux ordonnances et aux bons garçons. Cependant ces mots lit et dormir, répétés à son oreille, finirent par entrer dans sa tête. Ils lui firent sentir un peu plus distinctement le besoin de ce qu’ils signifiaient, et produisirent chez lui un mouvement lucide. Ce peu de raison qui lui revint lui fit en quelque façon comprendre que tout le reste avait disparu ; à peu près comme le dernier lampion qui brûle encore sur les châssis d’une illumination fait voir tous les autres éteints. Il prit courage, appuya ses mains ouvertes sur la table, essaya une fois, deux fois de se dresser, soupira, chancela ; à la troisième, soulevé par l’hôte, il fut debout. Celui-ci, toujours en le soutenant, le fit sortir d’entre le banc et la table ; et, prenant d’une main une lampe, il se servit de l’autre pour le conduire ou le traîner, le mieux qu’il put, vers la porte de l’escalier. Là Renzo, au bruit des adieux qu’on lui criait, se tourna rapidement ; et si son soutien n’eût été bien prompt à le retenir par un bras, son