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CHAPITRE XIV.


La foule, restée en arrière, commença à se disperser, à s’écouler à droite et à gauche, par les diverses rues. Qui regagnait sa maison pour aller vaquer à ses affaires ; qui s’éloignait pour respirer un peu librement, après avoir été si longtemps pressé dans la cohue ; qui se rendait chez ses connaissances pour causer sur les grands événements du jour. L’autre bout de la rue allait de même se déblayant, et bientôt ce qui restait de monde fut assez réduit pour que la compagnie de soldats espagnols pût, sans trouver de résistance, s’avancer et se poster devant la maison du vicaire. Sous les murs de cette maison était encore amassée la lie, pour ainsi dire, de l’émeute ; une troupe de coquins, qui, mécontents d’un dénouement aussi froid et aussi imparfait après tant de bruit, demeuraient là, les uns grondant, les autres jurant, d’autres tenant conseil pour voir s’il n’y aurait pas encore quelque chose à pouvoir entreprendre, et, comme par manière d’essai, ils allaient frappant et secouant cette malheureuse porte qui avait été de nouveau barricadée en dedans, le mieux qu’on avait pu. À l’arrivée de la compagnie, tous ces gens, les uns filant droit leur chemin, les autres, d’un pas incertain et comme à regret, s’en furent du côté opposé, laissant la place libre aux soldats qui s’en emparèrent et s’y portèrent pour garder la maison et la rue. Mais toutes les rues des environs étaient parsemées de groupes. Là où deux ou trois personnes étaient arrêtées, trois, quatre, vingt autres s’arrêtaient de même ; ici quelques-uns se détachaient ; là tout un groupe se mettait en mouvement : c’était comme ces nuages qui, quelquefois, restent épars et tournoient sur l’azur du ciel après un orage, ce qui fait dire, à qui regarde en l’air : « Ce temps-là n’est pas encore bien sûr. » Figurez-vous ensuite