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pauvre petite maison n’était autre que le Griso qui venait en lever le plan à vue d’œil : les faux passants étaient ses bandits auxquels, pour opérer sous ses ordres, il suffisait d’une connaissance plus superficielle des lieux. Et après avoir été ainsi à la découverte, ils ne s’étaient plus fait voir, pour ne pas trop donner de soupçon.

Lorsqu’ils furent tous retournés au château, le Griso rendit compte à son maître de ces premières opérations et arrêta définitivement tout le plan de l’entreprise ; il assigna les rôles, donna ses instructions. Tout cela ne put se faire sans que le vieux domestique, qui se tenait l’œil ouvert et l’oreille au guet, ne s’aperçût que quelque grande machination se tramait. À force d’observer et de demander, saisissant une demi-notion par-ci, une demi-notion par-là, commentant en lui-même un mot obscur, interprétant un mouvement mystérieux, il fit tant qu’il parvint à découvrir ce qui devait s’exécuter cette nuit.

Mais, quand il en fut à ce point, elle était déjà peu éloignée, et déjà une petite avant-garde de bravi était allée s’embusquer dans la masure. Le pauvre vieillard, quoiqu’il sentît combien était périlleux le jeu qu’il allait, jouer, et que d’ailleurs il craignît de ne porter que le secours de Pise[1], ne voulut cependant pas manquer à sa parole : il sortit sous prétexte de prendre un peu l’air, et s’achemina en toute hâte vers le couvent pour donner au père Cristoforo l’avis qu’il lui avait promis. Peu après, les autres bravi se mirent en marche, et descendirent en se divisant, pour ne pas être remarqués comme troupe : le Griso vint ensuite, et il ne resta en arrière qu’une chaise à porteurs qui devait être portée à la masure plus avant dans la soirée, comme elle le fut en effet. Lorsqu’ils furent tous réunis dans ce lieu, le Griso envoya trois d’entre eux au cabaret du village, l’un avec mission de se placer sur la porte d’où il remar-

  1. Secours tardif ; c’est une locution usitée en Italie.