« Je ne puis vous cacher mes regrets de quitter un Roi qui m’a donné tant de marques d’estime, de considération et j’ose dire d’amitié ; je vous envoie, toutes réflexions faites, la lettre que je lui ai écrite pour prendre congé de lui et sa réponse, qui ne peuvent ni l’une ni l’autre offenser personne, mais je vous prie de ne communiquer cette lettre à qui que ce soit, parce que d’autres gens à qui j’avais écrit que j’ai du Roi une lettre charmante trouveraient mauvais que je ne la leur eusse pas envoyée. Je sais que le Roi est véritablement affligé de mon départ ; il se flatte, comme vous le verrez par sa lettre, que je serai un jour président de son Académie ; mais indépendamment de mille raisons dont vous n’aurez pas l’esprit de deviner une seule, je crois que le climat de ce pays me serait funeste à la longue. L’air y est épais, marécageux, lourd et le serein très malsain. Ce qui m’afflige, c’est qu’après mon départ il ne lui restera pour ainsi dire personne avec qui causer et c’est le seul délassement qu’il ait ; il n’aime à parler que littérature et philosophie, et parle à merveille de l’une et de l’autre, sans compter, comme je crois vous l’avoir dit, que nos manières de voir et de juger se rapportent presque toujours parfaitement, quoique l’adulation et l’envie d’être de son avis n’y aient aucune part. Enfin c’est un prince véritablement digne