« Je vous ai parlé assez au long de Jean-Jacques dans une de mes lettres précédentes ; il ira rejoindre Milord Maréchal en Écosse, mais ce ne sera que vers le printemps, à moins qu’il ne change d’avis, car l’Écosse est pour lui un théâtre bien obscur et bien sourd. Non, le roi de Prusse ne pense point à l’avoir, parce qu’il pense qu’il le désirerait inutilement, et puis, soit dit entre nous, parce qu’il ne s’en soucie pas extrêmement. Du reste, il parle de lui à tous égards avec beaucoup de justice et plaint bien sincèrement son malheur, les persécutions qu’il éprouve et les outrages qu’il essuie.
« L’abbé de Prades n’est point à Berlin, et je crois n’y reviendra jamais, il est à Glogau, assez mal à son aise et justement puni pour avoir manqué essentiellement au Roi qui cependant lui donne du pain[1].
« Le Roi me parle souvent de Voltaire et en vérité on ne peut pas mieux sur tous les points. On ne sau-
- ↑ Prades (Jean-Martin de) publia en 1751 une Thèse qui provoqua un grand scandale ; décrété par le parlement, il se réfugia en Prusse, où le roi, sur la recommandation de Voltaire, le prit comme lecteur. « L’abbé de Prades, disait Frédéric, a un esprit naturel, des saillies, une étourderie étonnante, un fond de malignité que l’on ne trouve que chez les prêtres ; cette malignité lui a déjà attiré chez moi bien des affaires fâcheuses, il n’a de connaissances que celles de l’histoire ecclésiastique qu’il connaît assez bien. » (Mémoires de de Catt.) Pendant la guerre de Sept Ans l’abbé fut soupçonné de trahison et enfermé dans la citadelle de Magdebourg. La paix faite, Frédéric l’interna à Glogau, où il lui donna la ville comme prison.