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suivront et il en restera, tout au plus cette plaisanterie française, que le chef des jésuites est un capitaine réformé, qui a perdu sa compagnie.

Nous observerons, en finissant, que le titre de Compagnie de Jésus est encore un des reproches que les jansénistes ont fait aux jésuites, comme une dénomination trop fastueuse, par laquelle ils semblaient s’attribuer à eux seuls la qualité de chrétiens ; c’est un assez mince sujet de querelle, qui prouve seulement ce que nous avons déjà dit, que la haine a fait armes de tout pour les attaquer : le véritable crime de la Société, on ne saurait trop le redire, n’est pas de s’être appelée Compagnie de Jésus, mais d’avoir été réellement une compagnie d’intrigants et de fanatiques ; d’avoir tâché d’opprimer tout ce qui lui faisait ombrage ; d’avoir voulu tout envahir ; de s’être mêlée dans toutes les affaires et toutes les factions ; d’avoir plus cherché, en un mot, à se rendre nécessaire qu’à se rendre utile.

L’esprit de vertige qui a causé le malheur des jésuites en France, semble leur annoncer un pareil sort dans le reste de l’Europe. Depuis longtemps ils sont sans crédit dans les États du roi de Sardaigne et de la République de Venise, et le peu d’existence qu’ils y conservent pourrait bien être ébranlé de nouveau par les secousses qu’ils viennent d’éprouver ailleurs ; leur conduite en Silésie pendant la dernière guerre n’a pas disposé favorablement pour eux un prince, d’ailleurs ennemi de la superstition et de l’engence monastique, la maison d’Autriche qui les a tant protégés, commence à se lasser d’eux et à les connaître pour ce qu’ils sont ; et ils ont tout lieu de craindre que la bombe qui a crevé en Portugal et en France, ne lance des éclats contre eux dans toutes les parties de l’Europe.


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