petit bruit et sans éclat, et d’être ensuite simple spectatrice de l’effet bon ou mauvais que ses leçons auront produit. Elle ressemble, si on peut employer cette comparaison, au vieux de la montagne, à la voix duquel des jeunes gens, ses disciples couraient se précipiter, mais qui se gardait bien de se précipiter lui-même.
Il est vrai que ce petit nombre d’hommes qui ont mis tous les tribunaux du royaume en mouvement contre les jésuites, ont trouvé la nation favorablement disposée pour cette fermentation, et empressée de l’appuyer par ses discours. Nous disons par ses discours ; car en France tout ce que la nation peut faire, c’est de parler à tort et à droit, pour ou contre ceux qui la gouvernent ; mais il faut avouer aussi que le cri public y est compté pour quelque chose. La philosophie, à laquelle les jansénistes avaient déclaré une guerre presque aussi vive qu’à la Compagnie de Jésus, avait fait, malgré eux, des progrès sensibles. Les jésuites, intolérants par ce système et par état, n’en étaient devenus que plus odieux ; on les regardait, si je puis parler de la sorte, comme les grands grenadiers du fanatisme, comme les plus dangereux ennemis de la raison, et comme ceux dont il lui importait le plus de se défaire. Les Parlements, quand ils ont commencé à attaquer la Société, ont trouvé cette disposition dans tous les esprits. C’est proprement la philosophie, qui, par la bouche des magistrats, a porté l’arrêt contre les jésuites ; le jansénisme n’en a été que le solliciteur. La nation et les philosophes à sa tête voulaient l’anéantissement de ces pères, parce qu’ils sont intolérants, persécuteurs, turbulents et redoutables ; les jansénistes le désiraient, parce que les jésuites soutiennent la grâce versatile et eux la grâce efficace. Sans cette ridicule querelle de l’école, et la fatale bulle qui en a été le fruit, la Société serait peut-être encore debout, après avoir tant de fois mérité sa destruction pour des causes un peu plus réelles