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était-il nécessaire d’exiger autre chose des jésuites non profès, qu’une simple promesse qu’ils ne se lieraient point à l’institut, et autre chose des ex-jésuites qu’une simple déclaration qu’ils y avaient renoncé ? La conduite contraire qu’on a tenue pouvait conserver à la Société des sujets qui étaient disposés à la quitter, et auxquels on ôtait toute autre ressource ; cette rigueur même pouvait rendre à l’Ordre des membres qu’il avait déjà perdus.

En proposant ces réflexions, on est bien éloigné de désapprouver la conduite des magistrats, qui, par de justes raisons sans doute, ont cru devoir en user autrement : il est bon cependant d’observer que plusieurs Parlements ont cru devoir tenir une conduite contraire. Après avoir dissous l’institut, ils ont laissé aux jésuites dispersés tous leurs droits de citoyens ; mais n’est-il pas à craindre qu’en les conservant ainsi dans plus de la moitié du royaume, on n’ait laissé à ces hommes qu’on croit si remuants un moyen de tramer des intrigues d’autant plus dangereuses qu’elles seront cachées ? Encore une fois, le temps seul peut apprendre quels sont les juges qui ont pris le meilleur parti dans cette affaire ; si les uns n’ont pas été trop rigoureux, et si les autres, en voulant l’être moins, n’ont pas enterré le feu sous la cendre.

Quelques Parlements d’ailleurs n’avaient rien prononcé contre l’institut ; et les jésuites subsistaient encore en entier dans une partie de la France. Il y avait lieu d’appréhender qu’au premier signal de ralliement, la partie dispersée, se rejoignant tout à coup à la partie réunie, ne formât une Société nouvelle, avant même qu’on fût en état de la combattre. La sagesse et l’honneur même du Gouvernement semblaient exiger que la jurisprudence à l’égard des jésuites, quelle qu’elle pût être, fût uniforme dans tout le royaume. Ces vues paraissaient avoir dicté l’édit, par lequel le roi vient d’abolir la Société dans toute l’étendue de