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anéantis, malgré leur dispersion, qu’un supérieur de séminaire à qui on offrit leur maison du noviciat, répondit qu’il n’en voulait pas, parce qu’il avait peur des revenants.

Ils n’étaient pourtant pas loin du moment de leur expulsion totale ; ce fut encore au zèle inconsidéré de leurs amis qu’ils en eurent l’obligation. Un partisan forcené de la Société publia, pour la défendre, un écrit violent et injurieux aux magistrats, qui avait pour titre : Il est temps de parler. Quelqu’un dit alors que la réponse des magistrats serait : Il est temps de partir. Ils se trompaient d’autant moins qu’un nouveau grief vint combler la mesure. L’archevêque dont nous avons déjà tant parlé, croyait les droits de l’Église violés par les arrêts du Parlement contre des vœux contractés à la face des autels ; il donna en faveur des jésuites un mandement qui acheva d’indisposer les magistrats ; quelques-uns de ces pères furent accusés d’avoir colporté le mandement, quelques-unes de leurs dévotes de l’avoir débité ; ce fut comme le signal du dernier coup porté à la Société entière. Le parlement ordonna que, dans huitaine, tous jésuites profès ou non profès, qui voudraient rester dans le royaume, feraient serment de renoncer à l’institut. Le terme était court on ne voulait pas leur donner le temps de délibérer : on craignait qu’ils ne tinssent entre eux des assemblées secrètes ; qu’ils n’écrivissent à leur général pour lui demander la permission de céder au temps ; qu’à la faveur des restrictions mentales, il ne prêtassent le serment qu’on exigeait ; qu’à l’abri de ce serment ils ne restassent en France pour y attendre un meilleur temps ; qu’ils ne pratiquassent enfin la maxime d’Acomat dans Bajazet :

Promettez ; affranchi du péril qui vous presse,
Vous verrez de quel poids sera votre promesse.

Il est certain que les jésuites, en signant le serment qu’on leur proposait, auraient fort embarrassé les jansé-