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n’osaient s’en flatter pleinement ; mais ils voulaient au moins enlever, s’il était possible, les deux branches principales de leur crédit, la place de confesseurs des rois et l’éducation de la noblesse.

Le roi, au milieu de toute cette procédure, avait consulté, sur l’institut des jésuites, les évêques qui étaient à Paris : environ quarante d’entre eux, soit persuasion, soit politique, avaient fait les plus grands éloges, et de l’institut et de la Société ; six avaient été d’avis de modifier les constitutions à certains égards ; un seul, l’évêque de Soissons, avait déclaré l’institut et l’Ordre également détestables. On prétendait que ce prélat (si sévère ou si vrai) avait des sujets de plainte personnelles et très graves contre les jésuites, qui, dans une occasion délicate, l’avait joué, compromis et sacrifié. Outré de dépit, à ce qu’ils disaient, et voulant se venger d’eux, cet évêque s’était fait janséniste, et déclaré chef d’un parti qui n’avait plus de tête et bientôt plus de membres. Malheureusement pour les jésuites, le prélat qu’ils cherchaient à décrier était d’une réputation intacte sur la religion, la probité et les mœurs ; il assura sans détour que les parlements avaient raison, et qu’on ne pouvait trop tôt se défaire d’une Compagnie également funeste à la religion et à l’État.

Néanmoins, la pluralité des évêques étant favorable à la conservation des jésuites, le roi, pour déférer à leur avis, rendit un édit dont l’objet était de les laisser subsister en modifiant à plusieurs égards leurs constitutions. Cet édit porté au Parlement pour être enregistré, y trouva une opposition générale ; on y fit de fortes remontrances et ces remontrances eurent plus de succès que ne pouvait attendre le Parlement même. Le roi, sans y rien répondre, retira son édit.

Dans cette situation, la Martinique qui avait déjà été si funeste à ces pères, en occasionnant le procès qu’ils avaient