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À l’égard des autres moines en général, c’est à la prudence du Gouvernement à juger de la manière dont il doit en user avec eux ; mais supposé qu’on voulût un jour les détruire, ou du moins les affaiblir assez pour les empêcher d’être nuisibles, il est un moyen infaillible d’y parvenir sans employer la violence, qu’il faut éviter même à leur égard : ce serait de faire revivre les anciennes lois qui défendent les vœux monastiques avant vingt-cinq ans. Puisse le Gouvernement se rendre sur ce point au désir unanime des citoyens éclairés !

En attendant ce désastre des communautés monastiques et ce bonheur pour l’État, continuons et finissons le récit de l’anéantissement des jésuites. Malgré la guerre déclarée à la Société par les magistrats, ces pères ne se tenaient pas pour assurés de leur destruction ; le Parlement de Paris, qui leur avait porté les premiers coups, les avait assignés à un an pour juger leur institut ; le parti qui désirait leur ruine, aveugle dans sa haine, et ne connaissant ni les lois ni les formes, reprochait au Parlement de leur avoir accordé un si long terme ; il craignait que les amis qui leur restaient à la cour n’obtinssent du roi qu’il évoquât à lui seul le jugement de cette affaire. Cette crainte paraissait d’autant plus fondée que, dans l’intervalle de l’assignation au jugement, ils avaient encore reçu de la cour des marques assez éclatantes de protection. Le Parlement, par l’arrêt du 6 août 1761, qui les ajournait à comparaître au bout de l’année pour le jugement de leurs constitutions, avait ordonné par provision la clôture de leur collège pour le 1er octobre suivant ; le roi, malgré les représentations du Parlement, prorogea ce temps jusqu’au 1er avril et cette prorogation faisait appréhender qu’ils n’obtinssent des marques de faveur encore plus signalées. Personne d’ailleurs ne pouvait s’imaginer qu’une Société, naguère si puissante, pût jamais être anéantie ; leurs ennemis mêmes