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de faire une profession particulière d’obéissance au pape, et d’obéissance plus étroite que les autres religieux ; d’être par cette raison d’autant plus à craindre dans l’État qu’ils y sont plus accrédités, plus répandus, plus adonnés au ministère ecclésiastique, et surtout à l’instruction de la jeunesse, de ne s’être jamais expliqué franchement et nettement (lorsqu’on ne les y a pas forcés) sur les maximes du royaume concernant l’indépendance des rois, et d’avoir trop donné à entendre qu’ils regardaient ces maximes comme de simples opinions locales sur lesquelles on pouvait soutenir le pour et le contre, suivant les pays où l’on se trouvait placé. On peut dire avec vérité et sans passion que cette manière de penser perce dans tous leurs ouvrages et dans ceux même des jésuites français qui ont voulu paraître moins ultramontains sur nos maximes que leurs confrères d’Italie ou d’Espagne.

Il ne faut pas croire cependant que cette soumission au pape, tant reprochée à la Société, soit pour elle un dogme irrévocable. Tandis que les jésuites la prêchaient en Europe avec tant de zèle, on pourrait dire de fureur, pour faire accepter la bulle qu’ils avaient fabriquée, ils résistaient, à la Chine, aux décrets que les souverains pontifes lançaient contre eux sur les cérémonies chinoises : ils allaient même jusqu’à mettre en question si le pape était en droit de donner une décision sur de pareils sujets. Tant il est vrai que leur prétendu dévouement au pape n’était, pour ainsi dire, que par bénéfice d’inventaire, et sous la condition tacite de favoriser leurs prétentions, ou du moins de ne pas nuire à leurs intérêts.

Quoi qu’il en soit, le parallèle qu’on vient de faire de la doctrine des jésuites avec celle des autres Ordres, est, ce me semble, le vrai point de vue dont on a dû partir dans leur destruction. Parmi tant de magistrats qui ont écrit dans l’affaire de la Société de longs réquisitoires, M. de La