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valho, tout puissant auprès du prince. Mais pourquoi des religieux inspirent-ils de la haine contre eux à un ministre d’État, si ce n’est parce qu’ils se rendent redoutables à ce ministre par leurs intrigues ? Pourquoi M. de Carvalho, qui détestait les jésuites, laissait-il en repos les cordeliers, les jacobins et les récollets, sinon parce qu’il trouvait les jésuites en son chemin, et que les autres végétaient en paix dans leurs couvents sans faire à l’État ni bien ni mal ? Toute Société religieuse et remuante mérite par cela seul que l’État en soit purgé c’est un crime pour elle d’être redoutable.

Aussi le ministre de Portugal profita-t-il habilement de l’imputation faite à quelques-uns de ces pères, d’avoir conseillé, dirigé et absous les assassins, pour faire chasser tous les jésuites du royaume ; on les renvoya à leur général, qui n’a pas dû être peu embarrassé de ces nouveaux venus ; aussi cette transplantation leur a-t-elle été fatale, un très grand nombre a péri et le reste, maltraité par les jésuites italiens, traîne au milieu de ses confrères, devenus ses ennemis, une vie malheureuse et languissante.

M. de Carvalho, en chassant les jésuites, en avait fait arrêter trois, qu’on avait déclarés coupables ; mais il ne fut pas assez puissant pour faire exécuter à mort le jésuite Malagrida, qui passait pour le plus criminel. La populace portugaise, ignorante, superstitieuse, et imbue de maximes ultramontaines, n’aurait pas souffert qu’un religieux fût livré au bras séculier pour un crime digne des plus grands supplices, parce que ce crime n’était commis que contre un laïc ; on fut obligé, pour trouver à Malagrida un crime contre Dieu qui le rendit digne de mort, d’aller chercher quelques mauvais livres de dévotion, ouvrages de l’imbécillité et de la démence écrits par ce malheureux jésuite ; ce fut uniquement sur ces rapsodies qu’il fut condamné au feu par l’Inquisition, non comme coupable de lèse-majesté