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Ce volume d’assertions, extraites des livres des jésuites et condamnés par les magistrats, avait été précédé quelques années auparavant de la condamnation de l’ouvrage du jésuite Busenbaum, dans lequel la doctrine du régicide est ouvertement soutenue ; l’exemplaire sur lequel la condamnation fut prononcée portait pour date 1757, époque funeste de l’attentat qui a rempli la France d’horreur et de trouble. Les jésuites ont prétendu que cette date était une supercherie de leurs ennemis qui, pour les rendre odieux, avaient fait mettre un frontispice nouveau à une édition ancienne ; les jansénistes soutenaient que l’édition était en effet toute récente, et prouvait d’une manière sensible jusqu’à quel point et à quel degré d’impudence les jésuites osaient être mauvais Français. Ces jansénistes, si peu adroits d’ailleurs, mais très ardents et très acharnés, étaient venus à bout de persuader à la plus grande partie de la nation que le crime atroce dont il s’agissait était l’ouvrage des jésuites. Cependant les réponses du criminel dans ses interrogatoires, telles qu’elles ont été publiées, n’étaient nullement à la charge de ces pères ; mais il avait servi chez eux, ainsi que chez des personnes du parti opposé : il l’avait déclaré à ses juges ; les jésuites, par des raisons qu’on ignore, ne furent point interrogés, comme il semblait qu’ils auraient dû l’être : c’en fut assez à une grande partie du public pour les charger du crime.

L’assassinat du roi de Portugal, arrivé l’année suivante, et dans lequel la Société se trouva encore impliquée, servit de nouveaux moyens à ses ennemis pour soutenir et faire croire que l’attentat qui soulevait la France était aussi son ouvrage. Les amis des jésuites ont prétendu qu’ils étaient innocents du forfait commis en Portugal ; que l’orage suscité contre eux à cette occasion, et dont ils ont aussi été les victimes dans ce royaume, était un effet de la haine qu’ils s’étaient attirée de la part du premier ministre, Car-