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JO VOISINE.

— Je crois, mais je n’en suis pas sûre, que son fils, le père de Laurie, avait épousé une grande artiste italienne ; cette union avait déplu au vieillard, qui était très orgueilleux. La dame était cependant charmante, très distinguée et estimée de tous. Mais ces genres de mariage sont si rarement heureux que le préjugé fut le plus tenace chez M. Laurentz. Il ne voulut jamais revoir son fils. Le père et la mère de Laurie moururent loin de lui en Europe pendant l’enfance de Laurie, et ce ne fut qu’alors que son grand-père fit venir son petit-fils chez lui. Je crois que Laurie, qui est né en Italie, n’est pas d’une constitution robuste, et que c’est pour cela que M. Laurentz semble toujours inquiet pour sa santé. Laurie ressemble à sa mère ; il a hérité d’elle son goût pour la musique, et je m’imagine que son grand-père a peur qu’il ne veuille devenir à son tour un artiste. En tous cas, les aptitudes musicales de Laurie lui rappellent sans doute, plus qu’il ne le voudrait, la femme de son fils qu’il n’aimait pas, et je pense que c’est pour cela qu’il s’assombrit, comme dit Jo, quand le pauvre Laurie joue du piano.

— Mon Dieu ! que cette histoire de Laurie est triste et romanesque ! s’écria Meg.

— Qu’on laisse donc Laurie être artiste s’il en a vraiment la vocation, s’écria Jo, et qu’on ne gâte pas sa vie en le forçant à aller à l’Université !

— Aller à Université ne gâte rien, répondit Mme Marsch. Il manque toujours quelque chose aux artistes qui ignorent tout en dehors de leur spécialité.

— C’est parce que sa mère était Italienne qu’il a de si beaux yeux et de si beaux cheveux noirs et son teint mat si distingué ; les Italiens sont toujours beaux, dit Meg, qui était un peu sentimentale.

— Qu’est-ce que vous savez de son air et de ses