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JO VOISINE.

et rire avec lui, se dit-elle. Son grand-père ne sait pas ce qu’il lui faut et le laisse s’ennuyer tout seul. J’ai bien envie de sauter par-dessus la haie et d’aller le dire au vieux monsieur. »

Cette idée amusa Jo, qui aimait à faire des choses périlleuses, et qui scandalisait toujours Meg par la hardiesse de ses mouvements ; elle mit à exécution son projet de sauter par-dessus la haie. Une fois arrivée de l’autre côté, elle s’arrêta et regarda la maison endormie. Rien n’y remuait ; tous les rideaux, hormis un, étaient baissés, et derrière le rideau à demi refermé de la fenêtre où elle avait vu Laurie, on entrevoyait encore une tête aux cheveux noirs bouclés, appuyée sur une main amaigrie.

Laurie, voyant l’action de Jo, s’était reculé d’un pas ; mais la curiosité, plus forte que la timidité, l’avait retenu assez près de la fenêtre pour qu’il pût voir ce qui allait se passer dans le jardin.

« Le voici tout seul et malade, pensa Jo. Pauvre garçon ! ce n’est pas bien de le laisser ainsi. Je vais lui jeter une boule de neige, afin de l’encourager, et je lui dirai quelques mots d’amitié. »

Aussitôt pensé, aussitôt fait ; une boule de neige alla frapper la fenêtre ; la tête bouclée fit un mouvement de surprise et montra une figure, non plus inanimée comme quelques minutes auparavant, mais illuminée par le plaisir. Jo fit un petit signe de tête et, mettant son balai sur son épaule, lui cria :

« Comment vous portez-vous ? Êtes-vous malade ? »

Laurie, alors, ouvrit la fenêtre et répondit d’une voix aussi rauque que celle d’un corbeau :

« Je vais mieux, je vous remercie. J’ai eu un horrible rhume, et je suis enfermé ici depuis huit jours par ordre du médecin.