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HISTOIRE D’UNE FAMILLE AMÉRICAINE.

« Vous rappelez-vous comment vous jouiez aux « Pèlerins en route pour le paradis », lorsque vous étiez toutes petites ? Rien ne vous faisait tant de plaisir que quand je vous mettais sur le dos des sacs remplis de vos péchés ; que je vous donnais de grands chapeaux, des bâtons et des rouleaux de papier et que je vous permettais de voyager dans la maison, depuis la cave, qui était le séjour des coupables, jusqu’au grenier, où vous aviez mis tout ce que vous aviez pu trouver de plus joli et que vous appeliez la cité céleste.

— J’aimais bien quand nos sacs, pleins de choses lourdes comme nos fautes, tombaient par terre et dégringolaient tout seuls jusqu’au bas des escaliers, dit Meg, on n’avait plus besoin de les porter.

— Si je n’étais pas trop âgée pour jouer encore à tous ces jeux-là, cela m’amuserait de recommencer, dit Amy, qui, à l’âge mûr de onze ans, commençait à parler de renoncer aux choses enfantines.

— On n’est jamais trop âgé pour ce jeu-là, mon enfant, car on y joue toute sa vie, d’une manière ou d’une autre. Nous avons toujours nos fardeaux qu’il faut porter, nos fautes qu’il faut réparer.

— Où sont donc nos fardeaux, maman ? demanda Amy, qui ne saisissait pas facilement les allégories.

— Toutes, vous les avez désignés tout à l’heure, excepté Beth, ce qui me fait croire qu’elle n’en a pas, répondit Mme Marsch.

— Oh ! si, j’en ai ; c’est d’avoir des assiettes à essuyer, de la poussière à ôter, d’être jalouse des petites filles qui ont de beaux pianos, et d’avoir peur de tout le monde. »

Le fardeau de Beth était si drôle qu’elles eurent toutes envie de rire ; mais elles se retinrent, car leur gaieté aurait fait de la peine à leur très timide petite sœur.