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LE TESTAMENT D’AMY.

empaillé. Tante Marsch ne voulait pas croire à tant de noirceur. Alors Amy était grondée. Et savez-vous ce que faisait alors cet abominable oiseau ? Il joignait ses injures à celles de sa maîtresse ; il l’appelait « grande bête et petite sotte ». Ce n’est pas tout : arrivait-il des visites, il redoublait d’invectives contre l’infortunée Amy, ne manquait aucune occasion de se conduire avec elle comme un désagréable vieil oiseau. Pour comble de misère, et bien qu’elle aimât les chiens, Amy ne pouvait pas supporter le chien Mop, une vieille bête grasse et égoïste, qui ne cessait de grogner et d’aboyer, et même d’essayer de la mordre, pendant qu’elle lui faisait sa toilette. La seule gentillesse de ce quinteux animal consistait à se coucher sur le dos d’un air idiot, toutes les fois qu’il voulait manger, et, comme il était très gourmand, cela lui arrivait bien vingt fois par jour. Vingt fois alors la vieille dame se pâmait d’aise, et il fallait qu’on courût chercher du sucre ou un biscuit, à ce bijou. Ajoutez à cela que la cuisinière n’avait pas un bon caractère, et que le cocher était sourd. Bref, Esther était la seule qui fît attention à la jeune fille.

Esther était une Française qui vivait avec madame, comme elle appelait sa maîtresse, depuis bien des années, et dominait un peu la vieille dame qui ne pouvait se passer d’elle. Son vrai nom était Estelle, mais tante Marsch lui avait ordonné de le changer. Mademoiselle Amy lui plaisait beaucoup, et elle faisait tout son possible pour l’amuser en lui racontant sa vie quand elle était en France, et en la laissant rôder dans toute la maison et examiner toutes les jolies choses curieuses emmagasinées dans les grandes armoires, les nombreux coffrets et les mille tiroirs, où tante Marsch serrait précieusement ses trésors. L’endroit où Amy