Page:Alcott - Les Quatre Filles du docteur Marsch.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
LE CAMP DE LAURENTZ.

— On ne triche pas en Amérique, mais vous pouvez le faire si cela vous fait plaisir, dit Jo en colère.

— Tout le monde sait que les Yankees sont beaucoup plus trompeurs que les autres peuples, répondit Fred en envoyant au loin la boule de Jo. »

Jo ouvrait les lèvres pour riposter de la bonne façon à cette grosse impertinence ; mais elle fit un effort si grand pour se retenir, qu’elle en devint rouge jusqu’au blanc des yeux, pendant que Fred se glorifiait de sa victoire. Elle se contenta d’aller à la recherche de sa boule et resta très longtemps dans les broussailles pour retrouver son calme ; quand elle revint, elle s’était vaincue, se montra tranquille et attendit patiemment son tour. Il lui fallut plusieurs coups pour regagner la place qu’elle avait perdue, et, lorsqu’elle y arriva, la partie adverse avait fort avancé ses affaires.

« C’est nous qui allons gagner, dit Fred avec animation, lorsque chacun se rapprocha pour voir le coup qui allait décider de la partie.

— Les Yankees savent se montrer généreux pour leurs hôtes et anciens ennemis, dit Jo en regardant le jeune homme d’un tel air qu’il rougit à son tour. C’est une observation que certain Anglais fera bien de remporter dans son île en y joignant une provision d’humilité. Je vous ai laissé avoir raison quand vous aviez tort, monsieur Fred ; mais cela ne changera rien au dénouement, et… »

Et, par un coup habile, elle parvint à gagner la partie.

Laurie jeta son chapeau en l’air sans se rappeler qu’il ne devait pas se glorifier de la défaite de ses hôtes, et, s’arrêtant au milieu de ses bravos, dit tout bas à Jo :

« Vous avez très bien agi, Jo ; il a triché, je l’ai vu.