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MEG VA À LA FOIRE AUX VANITÉS.

— Ah ! » fit la vieille dame en mettant son lorgnon.

Et elle observa de nouveau Meg, qui tâchait de ne pas avoir l’air d’avoir entendu et était un peu choquée des réponses de Mme  Moffat. Mais, comme elle s’imaginait devoir jouer le rôle d’une grande dame, elle se tira assez bien d’affaire. Cependant sa robe trop droite lui fit mal au côté, sa traîne était toujours sous ses pieds, et elle avait une crainte perpétuelle de perdre ses boucles d’oreilles.

Elle s’éventait nonchalamment en riant des fades plaisanteries d’un jeune homme qui faisait tous ses efforts pour être spirituel, mais n’y réussissait pas, lorsqu’elle s’arrêta subitement de rire et parut confuse. Juste vis-à-vis d’elle, elle aperçut Laurie qui la regardait, sans déguiser sa surprise et aussi sa désapprobation. Meg lut dans ses yeux sincères quelque chose qui la troubla. Elle eût donné bien des choses pour n’avoir que sa vieille robe. Sa confusion fut complète quand elle vit Belle donner un coup de coude à Annie et regarder attentivement elle et Laurie. Heureusement pour elle, Laurie avait ce soir-là l’air encore plus enfant et plus timide que d’habitude.

« Bêtes de gens de m’avoir mis de telles pensées dans la tête ! se dit Meg ; mais je ne veux pas y faire attention et je ne changerai pas de contenance pour cela. »

Elle traversa donc bravement la chambre pour aller donner une poignée de main à son ami.

« J’avais peur que vous ne vinssiez pas ; je suis très contente que vous vous soyez décidé, dit-elle.

— Jo m’a forcé d’accepter. Elle désirait savoir de moi quel air vous aviez, répondit Laurie, sans trop oser tourner les yeux vers elle.