Page:Alcott - Les Quatre Filles du docteur Marsch.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
LA VALLÉE DE L’HUMILIATION.

ce qui lui semblait un océan de têtes, et resta si tranquille et si pâle, que ses compagnes trouvèrent très difficile d’étudier avec cette triste petite figure devant elles.

Pendant le quart d’heure qui suivit, l’orgueilleuse et sensible petite fille souffrit avec une honte et une douleur qu’elle n’oublia jamais car, jusque-là, elle n’avait jamais mérité aucune punition ; mais elle oublia sa douleur et sa honte en pensant : « Il faudra que je dise tout à maman, tout à mes sœurs, et elles vont avoir tant de chagrin ! »

Ce quart d’heure d’exposition publique lui parut une éternité. Cependant le mot « assez » vint enfin lui annoncer le terme de ce supplice.

« Vous pouvez retourner à votre place miss Marsch, » dit M. Davis qui n’avait pas l’air d’être à son aise, et en effet il n’était pas à son aise.

Il n’oublia pas de sitôt le regard de reproche qu’Amy lui jeta en passant, lorsque, sans dire un mot à personne, elle alla dans l’antichambre, prit son chapeau et son manteau et quitta la classe pour toujours, comme elle se le déclarait avec passion.

Elle était dans un triste état lorsqu’elle arriva chez elle, et, quand ses sœurs furent de retour, il y eut un vrai concert d’indignation, non pas tant contre le maître que contre l’odieuse petite miss Snow. Mme  Marsch ne se prononçait pas et se bornait à tâcher d’apaiser sa petite Amy ; Meg arrosait de glycérine et de larmes la petite main meurtrie ; Beth sentait que même ses bien-aimés petits chats seraient impuissants pour la consoler des douleurs de sa sœur et Jo dit que miss Snow aurait du être fusillée comme espion, tandis que la vieille Hannah montra dix fois de sa cuisine le poing à M. Davis, « à ce bourreau », disait-elle au