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BETH ENTRE DANS LE BEAU PALAIS.

sa reconnaissance, elle attira à elle la main du vieux monsieur et la serra doucement. Celui-ci se baissa alors vers elle et l’embrassa, en disant d’un ton que peu de personnes avaient jamais entendu :

« J’ai eu autrefois une petite fille aux yeux bleus comme les vôtres ; Dieu vous bénisse, ma chère enfant ! Bonsoir, madame. »

Et il partit très vite, comme s’il était dominé par son émotion.

Après s’être réjouie avec sa mère, Beth alla raconter son bonheur à sa famille de poupées, puis à ses sœurs lorsqu’elles furent rentrées. Elle en était si préoccupée, qu’au milieu de la nuit Amy fut brusquement réveillée par sa sœur qui, dans son sommeil, jouait du piano sur sa figure ; elles couchaient depuis quelques jours dans le même lit, parce que celui de Beth était en réparation.

Le lendemain arriva enfin, et Beth, ayant vu sortir M. Laurentz et son petit-fils, osa se diriger vers la grande maison. Il est juste de dire qu’elle n’y parvint pas du premier coup ; deux, ou trois fois elle revint sur ses pas, en proie à une insurmontable timidité ; mais, à la fin, faisant aussi peu de bruit qu’une souris, elle y pénétra. J’aurais voulu que vous pussiez la voir entrer dans le grand salon. Quelle crainte ! quel respect ! quelle peur et quelle envie d’arriver jusqu’à cet admirable piano qui était là tout ouvert devant elle ! De la jolie musique facile se trouvait tout à fait accidentellement sur le piano. La bonne petite Beth, après avoir bien écouté, bien regardé s’il n’y avait personne, s’enhardit peu à peu et commença à jouer d’abord en tremblant ; mais elle oublia bientôt sa crainte dans le bonheur inexprimable que lui procuraient les beaux sons de cet excellent instrument. Elle resta au piano jusqu’à ce