parlait à personne, à Rose encore moins qu’à d’autres, car il tenait à n’influencer en rien sa décision. Dieu sait pourtant s’il aimait sa nièce et s’il souhaitait la conserver ! mais il ne voulait la tenir que d’elle-même.
À l’exception du docteur, personne ne songeait à cette date où le sort de Rose serait de nouveau remis en question ; aussi prit-elle un peu son monde à l’improviste. C’était un samedi ; la famille Campbell étant conviée à prendre le thé au manoir, ces dames, réunies au salon, furent très surprises de voir l’oncle Alec tirer de sa poche deux photographies, et leur en donner une en disant :
« Que pensez-vous de ceci ?
— Quelle ressemblance frappante ! s’écria sa voisine tante Clara. Oui, c’est bien Rose, telle qu’elle était à son arrivée, avec son air triste, un peu vieillot, sa petite figure allongée et ses grands yeux sombres ! »
La carte passa de main en main et tout le monde s’accorda à dire :
« C’est tout à fait notre Rose de l’année dernière. »
Ce point bien établi, le docteur fit circuler un second portrait de sa pupille, datant à peine de huit jours. Celui-ci fut déclaré ravissant à l’unanimité. Quel contraste avec le précédent ! Ce visage resplendissant de vie et de santé, ces joues rondes, que l’on devinait vermeilles, semblaient appartenir à un autre être. Il n’existait plus de traces de cette mélancolie si visible dans la première photographie, et si peu en rapport avec l’âge de l’enfant ; mais ses yeux avaient toujours leur regard profond, et son sourire la même délicatesse.