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JACK ET JANE.

depuis quatre longs mois, tenait à la main un autre œillet rouge non moins beau que celui qu’examinait Jack. Elle en respirait longuement le parfum et parlait à demi-voix pour ne pas troubler la lecture de Frank.

Mme Minot regarda attentivement la petite fille. Jane avait pâli et maigri, mais sa figure avait une expression de douceur qu’elle n’avait jamais eue quand elle se portait bien. Elle avait changé du tout au tout depuis le jour où nous l’avons vue pour la première fois. Ce n’était plus le petit diable, l’enfant volontaire et entêtée, que nous avons connue alors. Ce n’était pas non plus la petite révoltée qu’elle avait été dans les premiers temps de sa maladie. Elle semblait avoir pris son mal en patience, ne se plaignait jamais, ne pensait qu’à ceux qui l’entouraient, et était bien autrement aimée qu’autrefois.

« Jack, disait-elle, avez-vous vu comme les pétales sont brillants ? On dirait du marbre blanc. Ils s’enroulent dans le fond du calice de l’œillet, et ils deviennent roses. C’est là, derrière ce joli rideau, qu’habite toute seule la petite fée verte. Votre mère me l’a montrée ce matin. N’est-ce pas charmant ? J’appelle cela la fée verte ; mais en réalité, ce n’est que l’endroit d’où vient le parfum, et où se forment les graines. »

Jane leva les yeux et rencontra le regard de Mme Minot.

« M’auriez-vous parlé, madame ? lui demanda-t-elle en lui rendant son sourire.

— Non, ma mignonne, mais je me disais qu’on pourrait faire une très jolie histoire sur votre petite fée qui ne trahit sa présence que par son parfum. Voulez-vous que j’essaye de la faire et que je vous la raconte ?

— Oh oui ! s’écria-t-elle en même temps que Jack.