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LE DIX AOÛT

lors de la rixe des Champs-Élysées. Le conflit latent du maire et du commandant devait durer jusqu’au 10 août.

Les Fédérés et les sections vivaient dans la hantise d’une nouvelle fuite du roi. Robespierre avait mis en garde les Jacobins contre cette éventualité à la séance du 6 août. L’idée régnait qu’il fallait surveiller le château en permanence. Le corps municipal crut donner satisfaction au vœu public en arrêtant, le 6 août, que la garde du roi serait renforcée et composée désormais de citoyens pris dans tous les bataillons, de manière que toutes les sections y participeraient. L’arrêté ordonna encore l’établissement de deux réserves, l’une au Carrousel et l’autre à la place Louis-XV. Mais Mandat vit des inconvénients à faire camper sous la tente les deux réserves prescrites. Il demanda à Petion, le 9 août, des corps de garde pour les abriter. L’insurrection éclata avant que la question fût tranchée.

Nulle insurrection ne fut préparée plus ouvertement. On conspirait en plein jour. On annonçait d’avance ce qu’on allait faire. On fixait le jour et l’heure des résolutions et des actes. « C’était le peuple entier, a dit Robespierre, qui usait de ses droits, il agissait en souverain. » Les peureux et les timides ainsi avertis eurent le temps de mettre ordre à leurs affaires et de quitter Paris avant l’échéance fatale. Dès le 28 juillet, le Journal de Paris notait l’exode des citoyens paisibles que confirma le citoyen Pio, chef du bureau des passeports à l’Hôtel de Ville, par une note du 1er août. L’officier municipal J.-J. Leroux a déclaré qu’il avait éloigné sa femme et ses enfants à partir du lundi 7 août et que, après leur départ, « il arrangea ses affaires domestiques », c’est-à-dire qu’il fit son testament. « Je voyais la mort au milieu du che-