Page:Albert Mathiez - Le dix août - Hachette 1934.pdf/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE DIX AOÛT

ruption, si elle croyait que les 50 000 écus qu’elle avait fait remettre à Danton étaient bien placés, elle témoignait d’une naïveté peu commune. Les aventuriers qui promettaient de trahir la Révolution pour de l’argent étaient parfaitement capables de prendre l’argent et d’oublier le lendemain leurs promesses. À ce jeu facile ils ne couraient aucun risque, car la Cour n’oserait jamais avouer qu’elle les avait achetés.

Environnée de la haine publique qui grondait menaçante, décidée à rester à Paris coûte que coûte et à refuser les offres de concours des Feuillants pour favoriser sa fuite, la Cour, de plus en plus isolée dans la Nation, réussirait-elle à atteindre l’échéance libératrice de l’arrivée de Brunswick ? Elle était espionnée et trahie par ses serviteurs les plus proches. Choudieu nous dit dans ses mémoires que son collègue Roux-Fazillac, ancien garde du corps, avait pour maîtresse une dame de la Cour qui le renseignait sur tout ce qui s’y passait. En outre, Choudieu lui-même recevait les confidences d’un allumeur de quinquets qui avait son entrée dans les appartements et qui lui rendait compte tous les soirs.

Pour se défendre, le château ne disposait que de forces réduites. La garde constitutionnelle était dissoute. Un décret du 15 juillet avait ordonné le départ pour la frontière de toutes les troupes de ligne séjournant encore à Paris. Il s’agissait de trois régiments formés, la plupart, d’anciens gardes françaises qui assuraient le service du château, conjointement avec les gardes nationaux, et la police des ports et des marchés. Le décret fut immédiatement exécuté pour les troupes françaises. Mais l’Assemblée avait visé aussi les gardes suisses, un beau régiment à trois bataillons à l’effectif de 1 200 à