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LE DIX AOÛT

diers ont pris la fuite !… Vous avez pu juger par ma précédente lettre combien il est intéressant de gagner vingt-quatre heures, je ne ferai que vous le répéter aujourd’hui en ajoutant que si on n’arrive pas, il n’y a que la Providence qui puisse sauver le roi et sa famille. » Fersen lui répondit le 7 août : « Mon inquiétude est extrême et le peu de fond qu’il y a à faire sur la garde nationale, même la partie bien intentionnée, me désespère. »

Seule la sœur de Louis XVI, Mme Élisabeth, toute confite en dévotion, continuait d’être confiante. Elle se plaisait à contredire sa belle-sœur dont l’incrédulité l’offensait. Quand Marie-Antoinette avait déclaré qu’elle aimait mieux périr que d’être sauvée par Lafayette, elle avait conseillé à son frère d’accepter les offres du général. Le 8 août, elle écrivait à son amie Mme de Raigecourt : « On dit qu’il y aura un mouvement très fort dans Paris. Y crois-tu ? Pour moi je n’en crois rien. Je crois à du bruit, mais sans résultat. Voilà ma profession de foi. Au reste, tout est aujourd’hui d’un calme parfait. »

Pour empêcher l’émeute, la Cour comptait sur l’achat des chefs populaires. Le bureau politique que Mirabeau avait fondé et que dirigeait Talon sous la haute surveillance de Montmorin avait pris une extension considérable, Toute une police secrète payée par le journaliste Collenot d’Angremont espionnait pour le château. Les ministres, Terrier, Chambonas, Beaulieu, Dejoly, Dubouchage, etc., s’étaient efforcés de se procurer, à prix d’argent, des intelligences aux Jacobins. Danton, depuis longtemps enrôlé dans l’équipe de Talon, recevait une forte somme, 50 000 écus, a dit Lafayette, qu’il s’empressait d’aller mettre à l’abri à Arcis-sur-Aube où il