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pensée, ne réagissait plus que faiblement. La lettre qu’il écrivit, le 3 août, à l’Assemblée au sujet du fameux manifeste, dont il tenta de contester l’authenticité, n’excita que le rire et le mépris, tant son insincérité apparut éclatante. Après avoir ouvert au public le jardin des Tuileries, le jour du baiser Lamourette, il le fit fermer dès le lendemain sous prétexte que des propos malsonnants avaient retenti à ses fenêtres. Mais cette fermeture donna prétexte au député Fauchet de faire voter un décret qui comprit dans l’enceinte de l’Assemblée la terrasse des Feuillants qui longeait le jardin du côté du Manège. Le roi mit des factionnaires à la bordure de la terrasse pour défendre l’accès de son jardin. Aussitôt le public tendit en travers des escaliers, qui conduisaient au jardin, de légers rubans tricolores portant des inscriptions railleuses : « Louis, tu dis que le peuple est méchant, vois, Louis, comme tu mens ! — Amis, si vous voulez m’en croire, n’allez pas dans la Forêt Noire. — La colère du peuple tient à un ruban, la couronne du roi tient à un fil. »

La terrasse fut baptisée terre de la Liberté et le jardin terre de Coblentz.

Marie-Antoinette, autrefois si hautaine, avait perdu dans ces derniers jours toute son assurance. La peur maintenant l’angoissait. Elle se croyait environnée d’assassins. Depuis l’affaire du 30 juillet aux Champs-Elysées elle n’avait plus confiance dans les gardes nationaux, comme en témoigne sa lettre à Fersen du 1er août : « L’affaire qui a eu lieu le 30, à la suite d’un diner aux Champs-Élysées entre 180 grenadiers d’élite de la garde nationale et des Fédérés marseillais, à démontré clairement la lâcheté de la garde nationale et le peu de fond qu’il faut faire sur cette troupe… Les 180 grena-