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LES FÉDÉRÉS

bourgeois fayettistes. N’allons pas croire cependant que le 10 août fut une insurrection de classe ! Les prolétaires n’y furent que des instruments. L’initiative vint d’ailleurs de ces petits bourgeois appartenant aux professions libérales, avocats, maîtres de pension, publicistes, artistes, qui avaient fondé depuis plus d’un an déjà dans chaque quartier ces sociétés fraternelles, où citoyens actifs et passifs, hommes et femmes, se réunissaient pour prendre des leçons de civisme. Chacun d’eux avait une troupe de fidèles à son service. Il suffit de nommer le graveur Sergent, qui avait présidé la société fraternelle de la rue de Mondétour (section de Mauconseil) et qui est aujourd’hui une des chevilles ouvrières de l’insurrection ; le publiciste Tallien, président et fondateur de la société fraternelle des Minimes (section de la Place royale) ; le journaliste Louvet, qui tient une grande place à la société fraternelle des Lombards ; le commis Pache, fondateur de la société fraternelle des Élèves de la Constitution (section des Tuileries) ; l’auteur dramatique Marie-Joseph Chénier, qui inspire avec Collot d’Herbois la société fraternelle de la section de la Bibliothèque ; le publiciste Jean-Pierre Audouin, membre important de la société fraternelle des Carmes (section du Panthéon), etc. Tous accéderont aux honneurs et aux places après l’insurrection.

Alors que les Fayettistes n’avaient rien à offrir aux citoyens passifs, sinon une politique de résistance à leurs besoins et à leurs vœux, les meneurs des sociétés fraternelles se faisaient les organes de leurs revendications. Aux paysans ils promettaient l’abolition sans indemnité des nombreux droits féodaux qui subsistaient