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LES FÉDÉRÉS

restaurant par les fenêtres, escaladant les palissades, chargeant les grenadiers et les mettant en fuite. Les royalistes eurent une quinzaine de blessés et un mort. Ils se réfugièrent au château par le pont tournant et ils furent soignés par les dames de la Cour, par Madame Élisabeth et par la reine. Le roi dénonça à l’Assemblée les Marseillais comme des criminels et le ministre de la Justice entama contre eux des poursuites. Une nuée de pamphlets, payés par la liste civile, s’efforça de déchainer contre eux l’opinion publique. Une collecte faite en faveur de la veuve de l’agent de change Duhamel, tué dans la bagarre, produisit 24 000 francs en quelques jours.

Petion, à qui le Département demanda des explications, répondit en mettant en cause le royaliste Mandat, commandant de la garde nationale, qui avait fait battre la générale, « ce qui a contribué à jeter de plus en plus l’alarme ». « Il paraît aussi, continue-t-il, qu’il a requis une force considérable pour se porter au château, le tout sans m’avertir, soit avant, soit après, de sorte que pour une rixe particulière, très affligeante sans doute, voilà tout Paris en feu ! » Les Jacobins organisèrent des collectes en faveur des Marseillais. Des sections leur votèrent des félicitations. Les Marseillais se mirent à faire la guerre dans les rues aux cocardes de rubans dont l’élégance aristocratique les offusquait. Ils ne toléraient que les cocardes de laine.

Les articles insultants des journaux de la Cour exaspéraient les patriotes. Le Journal de la Cour et de la Ville leur prédisait qu’on les enchaînerait bientôt deux à deux pour balayer les rues et pour apporter les matériaux nécessaires à la reconstruction de la Bastille. « Ils seront conduits, disait le journal, par des Allemands qu’on dresse