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LE DIX AOÛT

pour égarer l’opinion publique » ? Ceci éclaire la sincérité révolutionnaire du personnage.

Craignant de ne pouvoir retenir plus longtemps les Fédérés, les Girondins s’avisèrent de demander leur départ immédiat de Paris pour le camp de Soissons. Déjà le député Laureau avait fait voter, le 20 juillet, un décret qui ordonnait aux Fédérés de se rendre à Soissons dans les trois jours de leur arrivée à Paris. Les Montagnards, pour cette raison que rien n’était préparé pour les recevoir à Soissons, trouvèrent moyen d’en retenir un grand nombre à Paris. L’aigre pasteur Lasource n’hésita pas à blâmer devant les Jacobins, le 29 juillet, ceux qui avaient persuadé aux Fédérés que le danger était à Paris et non aux frontières. On excitait ainsi une fermentation qui n’était bonne à rien. « Des ennemis de la liberté avaient voulu engager les Fédérés à des crimes, à des actes… » Il fut interrompu par de violentes clameurs qui obligèrent le président à se couvrir.

Les Girondins perdirent la partie aux Jacobins, mais ils profitèrent de leur influence à l’Hôtel de Ville pour faire partir pour Soissons un grand nombre de Fédérés. Du 24 au 28 juillet, 513 fédérés s’étaient rendus à Soissons ; du 28 au 29, il en partit 824 et, dans la seule journée du 30 juillet, 2 289. Hué aux Jacobins, Lasource prenait sa revanche dans le bureau de Petion.

Depuis le renvoi des ministres patriotes, les députés girondins et montagnards s’étaient rapprochés dans une sorte de groupe parlementaire qui tenait ses séances près du Manège et qu’on appelait La Réunion. La question du départ des Fédérés pour Soissons y fut agitée avec violence, Isnard et Brissot menacèrent de